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Paris, le 1er mars 2001 - Numéro 2001-4
 
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  Quand le First Mover Advantage devient First Looser Advantage  


Internet peut-il changer nos habitudes comportementales ? Pour avoir trop cru à cette hypothèse hasardeuse, nombre de start-ups Internet ont disparu ou doivent actuellement faire face à de grandes difficultés.

Autre élément récurrent de ces business models morts-nés : la plupart de ces sociétés n'ont souvent que très peu investit de ressources dans l'analyse comportementale proprement dite avant de se lancer dans leur course, préférant se fier à leur "intuition". Résultats : des échecs à profusion (cf. le business model de l'achat groupé).


 


Sur la base des bons vieux critères socio-démographiques, capitaux risqueurs à l'appui, des centaines de millions de dollars ont donc été investis (en pure perte) avec l'espoir de l'émergence d'un nouveau consommateur "virtuel" qui serait totalement subjugué par les nouveaux modes de consommation que l'on allait lui offrir.

Nous avons vu les ratés spectaculaires de la vente de timbres on line, de l'achat groupé ou encore des enchères inversées et autres niches qui prétendaient devenir les leaders Internet de demain.

Mais dans ces derniers cas, la "casse" est restée limitée car les produits vendus étaient la plupart du temps dématérialisables.

Par contre, lorsque vous décidez de concurrencer directement le réseau logistique que des bricks-and-mortars ont souvent mis plusieurs décennies à constituer, les investissements nécessaires ne sont évidemment plus du même ordre.

Les difficultés actuelles d'acteurs tels que Webvan ou Amazon trouvent ainsi leurs origines dans cette obligation de se constituer une infrastructure coûteuse et ce, en trop peu de temps pour être capables d'éviter des erreurs de jeunesse… inévitables.

Webvan, premier distributeur d'épicerie on line, et ayant déjà investi plus d'un milliard de dollars dans son business model, doit aujourd'hui d'urgence réussir à convaincre les investisseurs de continuer à le soutenir.

Faute d'avoir levé près de 100 millions de dollars d'ici quelques mois, il risquera en effet la faillite pure et simple.

Malheureusement pour lui, avec un cours de Bourse oscillant aux alentours des 35 cents l'action (à comparer à ses plus hauts cours supérieurs à 30 $ l'action…) il va falloir trouver des arguments particulièrement convaincants pour pouvoir espérer retrouver rapidement de l'argent frais puisque sa capitalisation boursière est aujourd'hui à peine égale à celle du cash encore en caisse soit 200 millions de dollars.

Une somme pas si confortable que cela, lorsque l'on "brûle" 100 millions de dollars par trimestre…

Comment as t-on pu en arriver là avec déjà plus d'un milliard de dollars investis ?

Et bien, comme de nombreux autres échecs sur le Net, l'origine des difficultés de Webvan repose sur un certain nombre de "postulats" et d'hypothèses manquant pour le moins de bases solides :

  • Nous allons frapper fort et livrer en 30 minutes maximum nos clients dans la majorité des grandes villes américaines. Bien entendu, pour ce faire, nous allons bâtir les entrepôts et toute l'e-logistique correspondante. Il est évident que livrer des produits frais dans ces délais réduits est autrement plus difficile que de distribuer des livres ou des CDs… Le résultat : 32.000 m2 d'entrepôts ultra modernes.

  • Fort de ce service, nous serons capables d'attirer à nous une nouvelle clientèle massive qui permettra de rentabiliser cette infrastructure. Internet changera les habitudes de consommation de ces consommateurs en leur simplifiant la vie et les détournera donc des parkings des hyper et super marchés.

  • De plus, pour réussir online, il faut être le premier et nous n'avons pas le temps de tester sur une échelle réduite la solidité de nos hypothèses. Il faut investir immédiatement et massivement afin d'écraser toutes velléités de nos éventuels concurrents.
 

 


Sur le papier, tout a très bien commencé pour Webvan, même les capitaux risqueurs et les plus sérieux d'entre eux y ont cru : 793 millions de dollars en provenance de grands noms comme Benchmark Capital, Sequoia Capital, Goldman Sachs. Et plus de 430 millions de dollars investis dans HomeGrocer, rival racheté ensuite par Webvan, toujours dans l'optique d'être le numéro 1 du secteur.

Cerise sur le gâteau, Webvan avait réussi à attirer, comme chief executive, George Shaheen, qui avait quitté pour elle la direction d'Andersen Consulting (aujourd'hui Accenture). De quoi rassurer et la Bourse et les investisseurs sur la viabilité du business model.

Or voilà que le first mover advantage est en train de se transformer en first loser advantage…

En effet, si Webvan est bien devenu aujourd'hui le premier site de vente d'épicerie on line, il risque aussi de devenir prochainement la première plus grosse faillite online depuis la création d'Internet.

La fermeture du dépôt de Dallas en est le premier signe tangible avec 220 licenciements. De même, les livraisons ne sont plus garanties en 30 mais en 60 minutes et… sont devenues payantes pour tout panier inférieur à 70 dollars.

Lorsque vous n'arrivez pas à augmenter suffisamment le nombre de vos clients, il ne vous reste plus qu'à… réduire vos coûts !

Les ventes de Webvan tardent en effet à décoller. En Californie du Sud, il lui faudrait atteindre les 2.800 à 3.000 commandes par jour pour atteindre l'équilibre et le site n'arrivait pas encore à dépasser les 2.250 au cours du dernier trimestre 2000.

Et l'on touche ici encore un peu plus à la mauvaise appréciation de l'aptitude d'Internet à changer nos habitudes de consommation. Même si Webvan a réussi à attirer (pour un coût particulièrement élevé) un nombre important de clients, ceux-ci n'achètent pas assez régulièrement on line pour que le site puisse espérer à courte échéance rentabiliser ses investissements.

Que l'on en juge : le nombre moyen de commandes trimestrielles parmi les clients existants de Webvan s'élève aujourd'hui à seulement 1,8 !!! Nous sommes donc très loin des taux moyens de commandes des hyper et supermarchés bricks-and-mortars.

 
   


Webvan se débat donc dans des difficultés extrêmes et tente de sauver l'essentiel en essayant autant de stratégies différentes que possible : "sous-location" d'une partie de son infrastructure de distribution à un site de vente d'articles pour chiens et chats, fermetures d'entrepôts, allongement des délais de livraison, facturation de services précédemment gratuits et même tentative de transformation de son business model en vendant désormais livres, CD et DVD au milieu des produits alimentaires…

Tout ceci ressemble plus à une déroute annoncée qu'à une véritable stratégie on line et ne devrait pas plus rassurer les investisseurs.

Au lieu de s'adapter progressivement à l'accroissement de taille de son marché on line et de se limiter au début à quelques marchés majeurs, la folie des grandeurs de Webvan, sa volonté d'être "le premier" lui a fait oublier les principes de base de tout business.

Webvan aura ainsi travaillé "à l'envers" depuis sa création.

Ce n'est en effet qu'aujourd'hui, contrainte et forcée, que la société a décidé de diminuer le nombre de ses implantations, d'essayer enfin d'adapter ses coûts à ses recettes, à la véritable taille de son marché, à la demande réelle de ses clients…

Tout ceci n'était-il donc pas prévisible ?

Les seuls acteurs ayant su rester pragmatiques auront été les bricks-and-mortars du secteur eux-mêmes qui avaient pourtant nettement moins d'atouts online que Webvan pour réussir. A cette différence près : leur expérience et leur connaissance parfaite des habitudes de consommation de leurs clients leur ont dicté de rester prudents et ils n'ont donc ouvert que des unités on line suffisamment modestes pour ne pas connaître les même déboires.

La leçon à tirer est désormais habituelle dans le train des "décès" Internet :

  • Prétendre créer de "nouveaux consommateurs" en seulement quelques années est illusoire… même et surtout sur Internet.

  • Ré-inventer la roue de la logistique pour concurrencer ceux qui la font tourner depuis des décennies dans le même secteur que vous est tout autant voué à l'échec.

Il aurait donc été nettement plus judicieux pour Webvan de s'associer à un grand de l'épicerie off line pour bénéficier de son infrastructure et pouvoir ainsi se concentrer sur les moyens à mettre en œuvre pour inciter les consommateurs à acheter plus souvent que 1,8 fois par trimestre via des eServices basés sur le CRM (customer relationship management) à l'image de Peapod, concurrent de Webvan racheté par… une chaîne de distribution alimentaire brick-and-mortar.

 
   
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Directeur de la Publication de ce Site Internet : Luc Carton